vendredi 29 juin 2012

Communication non-verbale dans la Rome Antique.

                                        Le thrace est à terre. Son adversaire, un mirmillon à la carrure de titan, se tient au-dessus de lui, brandissant son glaive à la verticale, prêt à lui asséner le coup fatal d'un instant à l'autre. Le vaincu, dans un effort désespéré, tend deux doigts vers l'organisateur des jeux, pour demander sa clémence : ne s'est-il pas bien battu ? N'a-t-il pas fait preuve de vaillance et de courage ? Le public, dans les arènes, hurle : certains lui lancent des injures, le huant copieusement ; d'autres l'acclament, tentant de crier plus fort que les autres afin qu'il soit épargné. L'editor jette un regard circulaire dans l'arène, afin de jauger quelle est l'opinion majoritaire. Puis, la tête droite, dans un attitude un peu hautaine mais empreinte de toute la dignité de sa fonction, il tend le bras devant lui, poing fermé. La foule retient son souffle...
                                         Même si vous n'avez pas vu "Quo Vadis" ou "Gladiator", vous savez à quoi vous attendre : le pouce levé signifie que notre thrace aura la vie sauve et le pouce baissé, au contraire, qu'il quittera l'arène les pieds devant. Voilà un signe que nous connaissons tous - quand bien même il ne correspond guère à la réalité historique. (voir "les gladiateurs" - lien.) Il a une signification claire, le message est sans ambiguïté.

Provocator attendant le verdict de l'editor. (Photo flickr ἀλέξ)

                                         La communication, en règle générale, s'effectue sur plusieurs registres, indépendants ou concomitants : le langage, le paralangage (intonations, niveau de la voix, etc.) et la kinésique. Ce terme renvoie à l'étude des gestes, des mouvements utilisés comme signifiants (les emblèmes, qui possèdent un équivalent dans la langue) ou qui accompagnent le discours (les illustrateurs). Là, pour un peu, je me prendrais pour le Dr Lightman de la série télévisée  "Lie To Me" !
                                        Nous-mêmes aujourd'hui, nous possédons toute une série de gestes qui participent de cette communication non-verbale : un signe de tête pour saluer une connaissance, un doigt que l'on fait tourner sur la tempe pour signifier que quelqu'un a disjoncté, un clin d’œil en signe de connivence... Ces illustrateurs et ces emblèmes nous sont familiers, car ils font partie de notre culture : ils ne sont pas universels, et un Papou ne les comprendrait sans doute pas tous. Dès lors, on peut se poser la question : qu'en était-il des Romains ? Les gestes que nous connaissons avaient-ils la même signification pour eux ? En existait-il d'autres, porteurs d'un sens précis ?

                                         C'est à toutes ces excellentes interrogations que tente de répondre une étude, qu'ont dirigée M. Antonia Formès et Carme Bosch, du département de philologie de l'Université des Iles Baléares, en collaboration avec l'Université de Barcelone. Intitulée "Los textos como fuente de informacion pratica : La Roma De Ayer en la gestualidad de hoy" ("Les textes comme source d'information pratique : la Rome d'hier dans la gestuelle d'aujourd'hui"), cette étude est le résultat du travail d'un groupe de chercheurs, qui ont analysé les textes anciens afin de recenser les gestes de l'Antiquité romaine, et de les relier à ceux que nous employons encore - avec une intention similaire, ou au contraire légèrement (voire totalement !) différente. Au final, cette fine équipe a recensé quelques 110 signes attestés dans la littérature, et représentés dans l’iconographie. Je me suis plongée dans cet article (et dans mon dictionnaire franco-espagnol !), et je vous propose donc d'en voir quelques-uns...

1) Embrasser le pouce et l'index joints : aujourd'hui, on effectue ce geste lorsque que quelque chose nous plaît, nous enthousiasme. A l'origine, il était adressé aux statues des Dieux, ou lorsqu'on pénétrait dans un lieu sacré : on faisait alors mine d'envoyer un baiser à la divinité. 

2) S'asseoir les jambes croisées : une telle posture était considérée comme maléfique, tout comme s'asseoir avec les mains entrelacées et placées sur le genou. On pensait notamment que de telles attitudes nuisaient à l'accouchement - de sorte qu'on les évitait en présence de femmes enceintes - et favorisaient l'indécision lors des réunions.


3) Le doigt sur la bouche : tout comme aujourd'hui, ce geste s'utilisait pour imposer le silence. Ainsi, l'étude cite de passage des "Métamorphoses" d'Apulée :
"Mais lui, portant l'index à ses lèvres, saisi de peur, lui dit : tais-toi, tais-toi !"



4) Claquer dans ses doigts : c'est ce qu'on appelle le "crepitus digitorum". Il s'agit d'un signal, destiné à intimer à quelqu'un un ordre tacite dont il connaît la teneur. Exemple : ordonner à un esclave d'ouvrir la porte.

5) Mimer des ciseaux avec l'index et le majeur : geste de moquerie, pour railler un interlocuteur intarissable et l'inciter à se taire.




6) Tirer la langue : voilà qui était très mal vu à Rome, de même que se passer la langue sur les lèvres. Cette mimique était assimilée à une moquerie. Ainsi, la première mention trouvée renvoie aux Gaulois, qui tiraient la langue aux Romains pour se ficher d'eux. Mais, selon le contexte, le même geste effectué avec discrétion pouvait être une invite sexuelle... 

7) Les oreilles d’âne : les pouces touchent les oreilles et on agite les  doigts, que l'on tient écartés. Encore une manière de railler son interlocuteur, en miment des oreilles d’âne, comme le raconte Persius dans ses "Satires". Toujours employé de nos jours.

8) Tirer sur le lobe de l'oreille : on touchait le lobe de l'oreille de quelqu'un lorsqu'on souhaitait lui rappeler quelque chose. On pouvait également s'appliquer ce geste à soi-même, comme une sorte d'aide-mémoire. Aujourd’hui, le geste est commun en Amérique latine et en Espagne, pour souhaiter un bon anniversaire à quelqu'un... Une manière de rappeler au héros du jour l'inexorable marche du temps.



9) Bouger la tête de haut en bas : pas de scoop, ce mouvement avait la même signification pour les Romains que pour nous. C'était donc une marque d'assentiment, d'approbation.




10) Rejeter la tête en arrière : il s'agit de signifier son opposition, c'est le signe de la négation. Contrairement à nous, les Romains n’utilisaient donc pas le mouvement de tête latéral, de gauche à droite. Le geste antique, vers l'arrière, est encore utilisé à l'heure actuelle dans certaines régions du Sud de l'Italie, de la Grèce ou de la Turquie.

11) L'expression des nombres : sans doute l'ensemble de signes le plus étrange à nos yeux. Les Romains étaient capables d'exprimer avec leurs doigts n'importe quel chiffre, jusqu'à un million ! C'est le "comput digital", un système assez complexe. Les unités et les dizaines étaient représentées  avec les doigts de la main gauche (le majeur, l'annulaire et le petit doigt exprimaient les chiffres de 1 à 9, et le pouce et l'index, les dizaines) ; avec la main droite, on exprimait les centaines et milliers. La position des mains sur la poitrine, le nombril ou le fémur désignait les dizaines et centaines de milliers. Pour le million, on entrelaçait les mains.



12) Le doigt d'honneur : un vilain geste que les Romains connaissaient déjà ! Lever le majeur en tenant la main fermée était un geste obscène, symbolisant un pénis en érection. Un poème priapique dit ainsi :
"Tu te moques aussi de moi, voleur, et tu me montres le doigt impudique quand je te menace ?"


13) Les cornes : on lève le petit doigt et l'index, en gardant le poing fermé. Une mosaïque du VIe siècle après J.C. montre ainsi un personnage effectuant ce geste. La signification variait selon l'orientation. Les doigts dirigés vers le bas prétendaient éloigner le mauvais œil, et c'était par conséquent un geste de protection. Et c'est encore le cas dans certaines cultures méditerranéennes...

14) Se toucher la barbe : pour les Romains, se toucher la barbe est le signe que l'on s'exprime calmement, posément. Attribut du philosophe, la barbe représente le sage. Toucher la barbe d'un autre est un geste de moquerie, voire une insulte. Signalons que le rasage n'est apparu à Rome qu'au IIème siècle avant J.C. Je cite le Dr. Fornés :
"De fait, les premiers barbiers, originaires de Sicile, arrivèrent à Rome en l'an 300 avant J.C. - même si les Romains se rasaient tous seuls depuis longtemps."

15) Se toucher le nez : voilà un geste considéré comme très impoli dans la Rome antique. On considérait qu'avoir les narines propres était un signe de bonne éducation - comme nous, du reste ! Toucher le nez d'une autre personne avait encore une autre signification : il montrait qu'on prenait son interlocuteur de haut, comme si l'on s'adressait à un enfant.

16) Porter l'auriculaire à la bouche, l’humidifier avec de  la salive et le passer derrière l'oreille droite : geste superstitieux, sensé apaiser les esprits. A l'origine, cet emblème était lié au culte de Némésis, déesse de la vengeance, à qui l'on demandait ainsi pardon pour les paroles inconvenantes que l'on avait prononcées.




17) Lever le menton : à l'instar du dictateur Mussolini, durant ses discours. Il s'agit d'une manifestation de fierté. On trouve la trace de ce geste chez Pétrone, où un personnage manifeste son orgueil, alors qu'il est sur le point de toucher un héritage et de s'élever socialement et économiquement.

18) Frapper très vite et à plusieurs reprises les autres doigts de la main contre le pouce : ce que l'on pourrait traduire par l'onomatopée "bla bla bla", pour signifier que nous ne croyons pas un mot de ce que raconte notre interlocuteur, ou que nous ne l'écoutons pas... Ce geste imitait à l'origine l'oiseau (la cigogne, selon certains textes) en train de picorer.

19) Le baiser au mort : dans la Rome antique, il était d'usage courant que le conjoint, le fils ou un proche d'un défunt lui baise la bouche, afin de recueillir son âme. Aujourd'hui encore, le baiser peut être interprété comme une passation de pouvoir, une transmission : c'est ainsi que des journalistes ont analysé le baiser de Madonna à Britney Spears, il y a quelques années.

20) Le baiser sur le torse : lors de la première guerre d'Irak, les télévisions du monde entier ont montré des images du peuple se pressant autour de Saddam Hussein, et lui baisant le torse. C'est en tous cas ce qu'affirme l'étude - personnellement, je n'ai pas vu ces images... Toujours d'après nos chercheurs, le peuple romain se serait comporté exactement de la même manière envers ses nobles et ses empereurs.


Bref, il semblerait que nous ayons hérité de bien des gestes de nos lointains ancêtres - même si la signification a souvent quelque peu changé !

Pour en savoir plus, les plus hispanophones d'entre vous peuvent se reporter à un livre, qui revient sur les principaux enseignements de cette fameuse étude : "El porqué de nuestros gestos. La Roma de ayer en la gestualidad de hoy." de M. Antonia Fornes et Mercè Puig, aux Editions Octaedro-UIB - lien.


Illustrations El Pais.

lundi 25 juin 2012

Bonne lecture : "Claude" de Pierre Renucci.

                                        J'ai déjà eu l'occasion de vous présenter quelques livres mais, jusqu'ici, je m'étais bornée à vous proposer des romans, des fictions ayant pour cadre l'antiquité romaine. Aujourd'hui, j'ai décidé de vous parler de "Claude" de Pierre Renucci, sorti il y a quelques mois aux éditions Perrin. Cette biographie du quatrième des Julio-Claudiens a évidemment retenu mon attention, notamment parce qu'il est généralement, avec Tibère, le grand oublié de cette "dynastie". Il faut dire que le malheureux, coincé entre les règnes de Caligula et de Néron, fait certainement moins vendre que ces deux-là, respectivement son neveu et son fils adoptif. Claude n'a rien d'un dément, il n'assassine pas à tour de bras (le strict minimum : quelques sénateurs, plusieurs centaines de chevaliers, une épouse et quelques membres de la famille. Rien d'extraordinaire, vu le contexte), ne flanque pas le feu à Rome, ne massacre pas les Chrétiens, ne se prend pas pour un Dieu, ne nomme pas son cheval au Sénat... Ce serait limite barbant !

                                       Pourtant, la vie de Claude a quelque chose de romanesque. Pour commencer, rien ne le prédisposait à revêtir un jour la pourpre. Bien qu'issu de la famille impériale (petit-fils de Livie, de Marc-Antoine, fils de Drusus et d'Antonia, donc neveu de Tibère... N'en jetez plus !), il est écarté de toute responsabilité en raison d'une pathologie mal identifiée à ce jour. Il boîte, il bave, il bégaye : bref, il a toutes les apparences de l'idiot congénital. Sa mère le traite "d'ébauche d'avorton", sa grand-mère ne lui adresse pas la parole, et tout le monde (à l'exception d'Auguste et de Tibère) se moque de lui et le méprise. Mais il faut toujours se méfier des apparences : Claude est remarquablement intelligent. Et cultivé : entre autres livres, ce passionné d'Histoire rédige un ouvrage de 20 tomes sur les Étrusques. Qu'importe, il est considéré comme un sombre abruti. Ce qui, finalement, est une chance, et lui permet de traverser les règnes sanglants de Tibère et Caligula sans se faire trucider ! Rares sont ceux qui peuvent en dire autant. Dans l'affolement succédant au meurtre de Caligula, il est retrouvé, tremblant, caché derrière une tenture, par un garde prétorien... et est acclamé Empereur par les troupes, à la surprise générale - et la sienne en premier lieu ! A l'âge de 51 ans, il accède donc à la tête de l'Empire romain, mais il doit compter avec l'opposition d'un Sénat vexé d'avoir été mis devant le fait accompli, les intrigues de palais visant à prendre l'ascendant sur lui, voire à le renverser, les scandales provoqués par sa femme Messaline, et les manigances d'Agrippine, qu'il épousera ensuite, et par qui il sera vraisemblablement empoisonné. (Il fallait bien faire place nette pour son fils Néron !) Avouez que, dit comme ça, ça paraît déjà nettement moins ennuyeux !  

Buste de Claude - musée archéologique de Naples. (Photo Mary Harrsch)

                                       Remarquable biographie, ce livre tente de réhabiliter l'Empereur Claude, présenté par les sources antiques comme un demeuré influençable, un goinfre obsédé sexuel, dominé par ses épouses successives et ses affranchis. En réalité, l'auteur démontre qu'il était un homme d'état compétent, un politique talentueux et subtil, capable de ménager le Sénat tout en imposant une réforme en profondeur de l’administration, de la législation et de la justice. En confiant de hauts postes à d'anciens esclaves, en ouvrant le Sénat à des descendants d'affranchis et à des provinciaux, il jeta les bases des réformes à venir, et améliora tous les rouages de l'Empire. Le livre peut, grosso modo, se diviser en deux moitiés égales : après une première partie purement biographique, consacrée à la vie de Claude, à Messaline et à l'ascension d'Agrippine, Pierre Renucci développe tous les aspects plus techniques du règne dans des chapitres expliquant en détails la politique extérieure et intérieure de Claude. La conquête de la Bretagne, la diplomatie en Orient, le statu quo aux frontières rhénanes, les réformes sus-citées, l'importance des affranchis, les rapports avec le Sénat, etc. : aucun point n'est négligé, offrant un panorama complet du règne. Certes, le propos est souvent complexe, mais toujours passionnant, car l'auteur a l'intelligence de l'expliciter et de le remettre dans le contexte, avec pédagogie et limpidité. Il faut parfois s'accrocher devant les méandres des lois et des usages romains, mais au final, le lecteur finit toujours par en comprendre toutes les subtilités. Une sacrée gageure, mais le défi est magnifiquement relevé.

                                        Ne vous attendez pas à un récit racoleur : il y aurait certes matière à cancaner, mais le livre s'en tient aux faits. Plus, l'auteur décortique les assertions des auteurs antiques (Suétone, Flavius Josèphe, Pline l'Ancien, Dion Cassius, Tacite) et donne son avis de manière argumentée et très souvent convaincante. C'est en particulier le cas en ce qui concerne le fameux "mariage" de Messaline avec le consul Caius Silius. Pour résumer l'affaire, disons que l'impératrice, tombée folle amoureuse de Silius, aurait décidé de l'épouser et de lui faire adopter le fils qu'elle avait eu de Claude (le fameux Britannicus), avant de faire de lui le nouvel Empereur. Voilà pour la version officielle, minutieusement examinée par l'auteur, qui démonte scrupuleusement chacun des rouages pour proposer plusieurs explications alternatives, autrement plus crédibles. Et c'est un des aspects qui m'a particulièrement plu : Pierre Renucci se mouille, il ose donner son opinion - mais son opinion d'Historien, en analysant les textes, l'épigraphie, les faits. L'avis de l'homme transparaît pourtant, mais bizarrement, moins en ce qui concerne Claude que ses prédécesseurs. Je pense d'ailleurs avoir trouvé quelqu'un qui partage mon sentiment quant à Caligula, qui n'était certainement pas le fou sanguinaire que l'on a souvent décrit...

Claude - musée du Vatican.

                                        Bref, un ouvrage remarquable à bien des égards, rigoureux, bien écrit et très instructif. Pierre Renucci, qui a déjà publié des biographies d'Auguste, Tibère et Caligula (vivement celle consacrée à Néron !), maîtrise clairement son sujet. Cela dit, commencer par ce livre n'est peut-être pas la meilleure manière d'aborder le règne de Claude : je pense qu'il faut d'abord avoir quelques points de repères, pour ne pas être perdu au milieu du maelström julio-claudien, ne serait-ce que du point de vue généalogique ! C'est pourquoi je suggérerais de lire d'abord "Moi, Claude Empereur" de Robert Graves, avant d'enchaîner sur cette biographie. De quoi mettre la fiction à l'épreuve des faits et l'éclairer à la lumière de l'Histoire, en quelque sorte...



"Claude"
de Pierre Renucci, aux éditions Perrin - 384 pages, 23 euros : lien.

    

jeudi 21 juin 2012

Les lampes à huile.

                                        Lors des derniers Jeux Romains de Nîmes, j'ai eu l'occasion d'assister à une démonstration de fabrication de lampes antiques, par François Civeyrel. L'homme est une mine d'informations sur ce thème qui, de toute évidence le passionne. Sans prétendre rivaliser avec lui, je me suis penchée sur la lampe à huile (Lucerna). Il m'arrive fréquemment de vous inciter à réagir si vous avez des corrections ou précisions à apporter : c'est encore plus vrai lorsque je découvre un sujet pour le traiter sur ce blog. Donc, commentaires et e-mails sont les bienvenus - plus encore que d'habitude ! 


Lampe à huile représentant une scène pastorale. (Photo : Rafael dp)

                                        Si les hommes ont façonné l'argile dès 10 000 ans avant notre ère, passant rapidement d’œuvres symboliques à des objets utilitaires, ce sont les phéniciens, pionniers dans l'art de la poterie et grands navigateurs, qui diffusent l'usage de la lampe à huile sur tout le pourtour méditerranéen. Ils importent leur production, et la fabrication devient ensuite locale, grâce aux artisans autochtones qui adaptent la technique aux matières premières disponibles sur place. C'est ensuite par l'intermédiaire des Grecs que les Romains adoptent la lampe à huile. Auparavant, ils s'éclairaient à l'aide de torches de bois résineux et de cordes enduites de cire.

Moule utilisé pour la fabrication. (Photo Sebastia Giralt.)

                                        Les premiers temps, la fabrication, artisanale, se fait à la main, selon la technique du colombin (boudin d'argile monté en spirale puis lissé). Puis, avec l'apparition du tour et des moules, on passe à une véritable production de série, les lampes pouvant désormais être copiées à l'envi. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à "surmouler" les lampes existantes pour les reproduire et les revendre. De piètre qualité, ces contrefaçons grossières sont  vendues à moindre prix mais permettent une démocratisation de l'objet. Il faut dire que les œuvres originales, du moins au début, sont des objets de luxe et les potiers, considérés comme de véritables artistes, signent leur production. Si ce n'était certainement pas leur but, cette pratique permet aujourd'hui de dater et situer l'origine des lampes retrouvées lors des fouilles. La fabrication en série facilitant leur fabrication, les lampes à huile se diffusent à une plus large échelle et sont  exportées dans tout l'Empire. Des centaines d'ateliers voient le jour, comme en Provence, en Alsace ou dans l'Aveyron (des lampes provenant de cette région ont été retrouvées à Pompéi.) En Italie, les fabriques les plus réputées sont celles de Toscane : après le séchage, les céramiques sont enduites d'un mélange d'eau et d'argile leur conférant après cuisson un aspect vernissé. (céramiques sigillées) On a retrouvé certaines de ces lampes, comme celle du maître potier Caius Oppius Restitutus, jusqu'en Inde, à Pondichéry !


Lampe montrant Ulysse enivrant Polyphème. (Photo Mary Harrsch)

                                        Les lampes se composent d'un corps avec un bec, auquel les romains ajoutent, au-dessus du réservoir, un médaillon décoré (scènes de la vie quotidienne, scènes érotiques, épisodes mythologiques, animaux, etc.) percé d'un ou deux trous permettant le remplissage. Ils remplacent également la partie plane située à l'arrière de la lampe par une anse, facilitant la préhension de l'objet. Au début, ces lampes sont très simples, en argile commune, avec un bec triangulaire étroit et court, qui devient ensuite plus long, et enfin court et large.


Scène érotique sur une lampe à huile. (Photo Flickr clare-and-ben)

                                        Le combustible utilisé est d'origine végétale : si l'on privilégie l'huile d'olive, elle reste un produit extrêmement coûteux (car importée d'Espagne ou d'Afrique), et on peut lui préférer l'huile de sésame, de hêtre, de noix, de lin, de ricin. Ce choix varie également selon la production régionale : ainsi, dans le Nord de la Gaule, on utilise fréquemment l'huile de colza. Les gens du peuple se contentent d'huile de noix, moins chère, mais de mauvaise qualité : de faible pouvoir éclairant, elle produit une fumée épaisse qui noircit murs et plafonds et dégage une odeur lourde et désagréable. Mais en rajoutant du sel, on évite la surchauffe de l'huile et on améliore la clarté de la flamme. Une quantité d'huile raisonnable permet aux Romains de s'éclairer pendant deux heures et demi, avec une lumière équivalente à celle d'une veilleuse. La mèche, quant à elle, est fabriquée avec de fines fibres végétales (Pline l'Ancien, dans son "Histoire Naturelle", cite le rouvre, le lin, le jonc et le bouillon blanc surnommé "herbe lucernaire") que l’on introduit par le bec.


Lampe en bronze à l'effigie de Jupiter. (Photo Mary Harrsch)

                                     L'extension de l'Empire permettant la conquête de nouveaux territoires regorgeant de matières premières, apparaissent alors des lampes en bronze, en airain, en argent, en marbre, en or... Leur prix est évidemment très élevé, et elles ne représentent qu'une faible partie des objets retrouvés. Elles sont rares et réservées aux nobles ou riches commerçants. De manière générale, la lampe à huile reste un objet de luxe pour les plus pauvres, et les fouilles archéologiques témoignent du fait que certaines, sans aucune trace de suie, n'ont jamais été utilisées autrement que comme objet décoratif. Juvénal, dans ses Satires, explique ainsi qu'il n'a d'autre lumière dans les ténèbres que la clarté de la lune ou celle d'une lampe à un seul bec dont il économise la mèche.

Lampe en or. (Photo Mary Harrsch)




Lampe en forme de masque comique. (Photo Mary Harrsch)
 Même pour les chanceux qui ont les moyens de s'éclairer à l'aide de lampes, il est courant de posséder plusieurs exemplaires en terre, et un seul en métal. On y veille particulièrement : l'une de ces lampes a été retrouvée à Pompéi, soigneusement rangée dans un coffre. On les utilise fixées sur des trépieds, sorte de torchères comprenant un pied et un socle.  En parallèle, les lampes sont de plus en plus ouvragées, et les formes sont souvent originales.

Lampe à deux becs. (Photo Mary Harrsch)
Certaines, comportant plusieurs étages et munies de dizaines de bec, sont posées sur des lustres ou des candélabres, et forment de grandes illuminations. Si elles ont toujours un rôle utilitaire (protégées par des peaux tendues, certaines peuvent même servir en extérieur), elles acquièrent désormais une fonction symbolique : allumées aux fenêtres et aux portes, elles annoncent un heureux événement ou le décès d'un proche, et la flamme a valeur de présage pour les superstitieux.




Lampe offerte pour le nouvel an. (Photo Paul Garland)
Cadeau très prisé, la lampe à huile est offerte en étrennes à l'occasion du nouvel an. Elle est alors décorée d'une Victoire ailée tenant un bouclier. Elle accompagne également l'homme lors de sa mort, éclairant son passage dans l'au-delà : les romains les plus riches demandent par testament qu'un parent ou un esclave entretienne une lampe allumée en permanence dans leur sépulcre.  On a également retrouvé des lampes miniatures en terre peu cuites, à usage unique : ces lampes votives, notamment utilisées par des pèlerins, étaient destinées à la statue d'un dieu ou d'une déesse, afin de faciliter la réalisation d'un vœu. Enfin, la lampe éclaire les laraires réservées aux divinités domestiques vénérées dans chaque foyer.



Lampe représentant le Dieu-crocodile égyptien Sobek. (Photo Mary Harrsch)


Lampe avec symbole chrétien. (Photo Jim Forest)
Les Chrétiens reprendront à leur compte cette pratique païenne dès le IVème siècle, comme symbole de la lumière divine. Cependant, ils avaient déjà contribué au renouvellement des motifs représentés sur le médaillon. Persécutés, les premiers Chrétiens se réunissaient dans les catacombes - d'où l'utilité des lampes. Les plus anciennes s'ornent d'un poisson (symbole du christianisme) puis, en 313, lorsque l'empereur Constantin décrète la liberté de la pratique religieuse, d'autres décors apparaissent (l'apôtre Pierre à la proue d'un barque, la croix chrétienne, la croix de Saint André, le nom du Christ, etc.)

                                      Au Vème siècle, après le sac de Rome par Alaric, de nombreux Romains aisés émigrent vers l'Afrique du Nord, et en particulier à Carthage. De nouveaux centres de production s'implantent alors près de ceux déjà existants, permettant une nouvelle évolution des formes et des motifs. Mais nous avons déjà quitté l'Antiquité romaine pour sauter à pieds joints dans le Moyen-Age, et ce n'est plus de mon ressort...

Deux sites et un livre à vous recommander, si vous souhaiter quelques informations plus éclairantes (oui, je sais : elle était facile...) sur le sujet :


Le site du conseil des Musées de Poitou- Charente :
www.alienor.org/articles/lumantique

Le site de François Civeyrel : 
www.reproductions-antiques.com

 "Les lampes à huile" de Bertrand Mahot - Éditions Massin.

dimanche 17 juin 2012

César et Cléopâtre sur Radio Classique.

                                        Un court post, en ce Dimanche matin, pour vous informer de la diffusion sur Radio Classique d'une séquence dédiée à César et Cléopâtre. L'émission "Ève Ruggieri raconte" était en effet consacrée, Mardi dernier et ce matin (rediffusion des meilleurs moments de la semaine écoulée), au couple formé par l'Imperator et la Reine d’Égypte. Ainsi, pendant une vingtaine de minutes, Ève Ruggieri est revenue sur leur histoire, de leur rencontre à Alexandrie (avec la célèbre scène où Cléopâtre surgit aux pieds de César, enroulée dans un tapis, afin de déjouer la surveillance des gardes de son frère et mari) jusqu'aux Ides de Mars, le 15 Mars -44, date de la conjuration qui coûta la vie à celui qui allait devenir son amant.

Ève Ruggieri. (Photo Radioclassique.fr)

                                        Bien qu'extrêmement résumé - mais comment faire autrement, sur une durée si brève ? - le récit , exact, fourmille d'anecdotes, et il est d'autant plus intéressant qu'il est entrecoupé d'extraits musicaux, tirés de grandes œuvres classiques traitant du couple mythique : le "Giulio Cesare" de Sartorio et celui de Haendel notamment. On entendra aussi un morceau de Brahms (le 3ème mouvement de la symphonie n°3), ainsi qu'un passage de la bande originale du film "Ben-Hur" (celui qui rythme l'entrée en piste des auriges, avant la fameuse course de chars...)

L'opéra de Haendel, dans l'excellente version proposée par Archiv Produktion.

                                         Voilà un programme comme je les aime : divertissant, enrichissant et intellectuellement stimulant, sans être "prise de tête". Un véritable moment de plaisir, qui proposait des extraits (un peu trop brefs, cela dit) judicieusement sélectionnés. Une émission susceptible d'ouvrir bien des horizons, en donnant envie à ses auditeurs de se pencher sur les œuvres présentées... ou sur l'histoire de César et Cléopâtre !

                                          Si vous souhaitez (ré-)entendre l'émission de Mme Ruggieri, c'est encore possible : il vous suffit de vous rendre sur le site de Radio Classique - lien - et de vous y inscrire. Ensuite, cliquez sur ce second lien, et sélectionnez l'émission du Mardi 12 Juin. En vous souhaitant une bonne écoute !

jeudi 14 juin 2012

Bonne Lecture : "La Maîtresse De Rome".


                                        Si vous êtes comme moi, l'été qui arrive marque pour vous l'ouverture de la chasse : la chasse au roman. Que vous ayez toujours un livre à la main ou que vous soyez un lecteur occasionnel, lorsque les vacances approchent, vous avez certainement envie de dénicher LE bouquin que vous glisserez dans votre valise et dans lequel vous vous plongerez dans l'avion, sur la plage, dans un parc, sur la terrasse... ou même chez vous. Peu importe, du moment qu'il s'agit d'un gros pavé au style agréable et simple, relatant une histoire passionnante et dépaysante et qui, sans s'adresser à des débiles légers, ne requière pas d'effort intellectuel démesuré - on est en vacances, et il fait quand même 30°... Bref, le livre avec lequel vous allez passer plusieurs semaines, entre séances de bronzage, sorties en boîte, visites touristiques, apéros entre copains, etc.  Ou pas : en ce qui me concerne, j'ai BESOIN de mon livre de l'été, quand bien même je resterais chez moi, avec ma petite routine. Cette année, je n'ai pas encore choisi mais vous, vous êtes une bande de petits veinards ! Parce que j'ai exactement le roman qu'il vous faut : "La Maîtresse de Rome" de Kate Quinn. (Ben oui, y a Rome au milieu... Mais vous vous en doutiez un peu, non ?!)



                                       Ier siècle après J.C. : orpheline juive rescapée du massacre de Massada, Thea est esclave à Rome. Elle est au service de la jeune Lepida Pollia, noble romaine égocentrique et cruelle qui la méprise et la maltraite. Lorsque Thea trouve l'amour dans les bras du gladiateur Arius le Barbare, elle connaît le bonheur pour la première fois de son existence. Hélas, sa maîtresse s'éprend aussi du combattant : furieuse quand elle découvre l'idylle qui s'est nouée entre les deux amants, elle intrigue pour les séparer. Thea vendue à un bordel de Capoue, Arius se renferme sur lui-même et combat avec toujours plus de sauvagerie, n'en méritant que davantage son surnom. 
                                        Quelques temps plus tard, Lepida Pollia a poursuivi son ascension sociale en épousant un vieux mais riche sénateur, avec lequel elle a une petite fille dont elle ne se soucie guère. Affectant la sage conduite qui sied à son rang, elle mène en réalité une vie de débauche, séduit son beau-fils et ambitionne de finir dans la couche de l'Empereur Domitien. Thea, quant à elle, a eu un fils de sa liaison avec Arius. A Capoue, elle se fait remarquer pour ses talents de chanteuse et de musicienne et, sous le nom d'Athena, elle devient vite la coqueluche de la bonne société romaine. Elle attire l'attention d'un admirateur aussi puissant que dangereux : Domitien lui-même. A nouveau en rivalité avec son ancienne maîtresse déterminée à la perdre, Thea doit aussi affronter l'empereur, personnage complexe, charismatique mais imprévisible, capable de se montrer charmant comme de faire preuve du pire sadisme. Devenue sa maîtresse, Thea voit sa santé mentale vaciller et sa vie menacée : s'engage alors une lutte de tous les instants, un bras de fer implacable entre le maître de Rome et la jeune esclave. Autour de Domitien, les complots se multiplient : le destin de Thea est désormais lié à celui de l'empereur, de plus en plus paranoïaque et cruel. 

                                        Grande lectrice devant l’Éternel, il arrive de temps à autres que je découvre un livre que je suis incapable de lâcher avant la dernière page. Et bien, ce fut le cas avec "La Maîtresse de Rome". Bien évidemment, c'est la période durant laquelle se déroule l'action qui m'a incitée à me plonger dans ce roman : l'empereur Domitien, une esclave, un gladiateur, des nobles romains - je ne pouvais pas passer à côté ! De fait, les fanas de la Rome antique ne seront pas déçus. L'auteur, fille d'un historien et véritable passionnée, sait parfaitement de quoi elle parle. Très bien documenté, extrêmement crédible et précis, l'ouvrage n'a pourtant rien d'un exposé rébarbatif. Pas de termes techniques, pas de longs développements sur le règne de Domitien ni d'interminables notes de bas de page : de la première à la dernière ligne, le lecteur est transporté dans la Rome du Ier siècle, et s'y promène tout au long d'un récit tour à tour haletant, émouvant, palpitant - bref, passionnant de bout en bout. Et c'est bien là tout l'intérêt du livre, dont l'intrigue foisonnante est un mélange d'aventures, d'amour, de luxure, de jalousie, de rivalités, de combats, de complots, et de bien d'autres choses encore. Autant de thèmes universels susceptibles de happer n'importe quel lecteur, même celui qui ne s'intéresse pas vraiment à l'Antiquité.

                                        Autant vous prévenir, ce roman m'a immédiatement évoqué un soap opera ! Le genre d'interminable feuilleton à épisodes qu'on a un peu honte de regarder, mais auquel on devient vite accro et qu'on ne manquerait pour rien au monde. Et, croyez-le ou non, c'est un compliment ! Le livre ferait une excellente série télévisée, et l'écriture, très visuelle, de Kate Quinn renforce cette impression, tout comme les liens et la dynamique existant entre les différents protagonistes. On y retrouve des scènes absolument fantastiques, qu'on n'a aucun mal à se figurer et qui parlent directement à l'imagination, et le roman tout entier est parcouru par un souffle épique magistral, qui entremêle à la perfection scènes d'action, romance et intrigues - de sorte que chacun y trouvera son compte. Comme dans un bon soap, il y a cependant un côté fortement manichéen : les gentils sont très gentils et les méchants, très méchants ! Ce qui n'empêche pas les nuances et les ambiguïtés dans leurs caractères respectifs. Ainsi, cela ne fait finalement qu'ajouter encore au plaisir de lecture. Car comment ne pas ressentir d'empathie pour Thea, héroïne si forte et fragile à la fois, entraînée par le destin jusqu'au plus haut sommet de l'Empire ?! Impossible, aussi, de ne pas être touché par l'amour qui la lie à Arius, le gladiateur taciturne, brisé, ravagé par la vie. Quant à l'insupportable Lepida, je suis prête à parier que vous aurez vite envie de la baffer - je lui aurais volontiers fracassé la tête contre une colonne, à celle-là ! Et que dire de Domitien ?! Personnellement, je n'ai pas pu m'empêcher de frisonner - j'ai rarement vu un personnage aussi malsain, aussi flippant !
                                       Et encore, je ne vous ai parlé que des figures principales ! Car le roman regorge de personnages, tous extrêmement bien décrits, avec une grande profondeur psychologique - à l'exception notable de Lepida, anti-héroïne absolue. Le mélange des personnages fictifs et des personnages historiques sonne particulièrement juste, et l'auteur intègre son récit dans les soubresauts de l'Histoire sans jamais la trahir, se contentant de prendre quelques libertés en imaginant ce qui aurait pu être. Et cela fait toute la différence.

                                        Dans ce roman à la première personne, alternant les points de vue de Thea et Lepida, Kate Quinn est parvenue à recréer tout l'univers du règne de Domitien. Et on s'y croît vraiment, grâce aux nombreuses descriptions, glissées tout au long de l'intrigue : vêtements, bijoux, cadre de vie, paysages, dîners... Tout y est - y compris les combats de gladiateurs, saisissants de réalisme - au point que j'en retenais presque mon souffle ! Bon, je reconnais que le tout est quelque peu prévisible... Qu'importe : j'ai quand même adoré ce livre. Que celui qui n'a jamais tremblé, craint pour la vie d'un héros de série télé tout en sachant qu'il le reverrait la semaine suivante me jette la première pierre !


Kate Quinn.


                                        Bref, vous l'aurez compris : voilà une lecture jubilatoire, un roman génialissime, que j'ai dévoré ! Difficile de croire qu'il s'agit seulement du premier roman de Kate Quinn qui, pour un coup d'essai, réalise un coup de maître. C'est bien simple : j'aurais bien signé pour 500 pages de plus. Cela dit, je vais être exaucée, puisque "La Maîtresse De Rome" est le premier tome d'une série dont la suite devrait être publiée prochainement ("Empress Of The Seven Hills", déjà paru aux USA). Et j'ai également appris récemment l'existence d'un prequel, "Daughters Of Rome"... J'en trépigne d'avance !

                                        Je persiste et signe : ce livre est le roman idéal pour l'été. Je vous envierais presque, vous qui n'avez pas encore plongé la tête la première dans cette saga... Je vous la recommande donc absolument, et je vous garantis que vous allez l'adorer ! Dans le cas contraire, je serais presque prête à vous rembourser... (Ouais, bon. Faut pas déconner non plus...)

"La Maîtresse de Rome" de Kate Quinn. Editions Presses de La Cité, 22 euros - lien.
Pour en savoir plus : le site officiel de l'auteur - lien.

dimanche 10 juin 2012

Du pain et des jeux... Oui, mais du pain d'abord !

                                        Suite de l'article précédent, en quelque sorte... J'ai choisi pour titre la célèbre formule "Du pain et des jeux". On la doit au satiriste Juvénal, qui  déplore au Ier siècle après J.C. :
"Le peuple qui jadis octroyait des commandements, des consulats, des légions et tout le reste, ne désire ardemment aujourd'hui que deux choses : du pain et des jeux."

Mosaïque de Saint-Romain en Gal.

                                        Du pain et des jeux, "panem et circemses" : la formule, passée à la postérité, est sans doute la première qui vient à l'esprit lorsqu'on évoque le peuple romain. Elle a servi dans de nombreux articles sur les jeux du cirque - moi-même, je ne m'en suis pas privée - et il faut bien avouer qu'on se polarise généralement sur la seconde partie de l'assertion, jusqu'à en oublier la première. Car, certes : des jeux, mais avant tout du pain !

                                        Le pain est apparu assez tardivement à Rome - encore un truc qu'ils ont piqué aux Grecs ! A l'origine, les Romains pilaient dans des mortiers des grains de céréales grillés, afin d'obtenir une sorte de semoule. Mélangée à de l'eau ou du lait, elle devenait une bouillie que l'on pouvait boire, ou laisser refroidir avant de la cuire et de la couper en tranches. Et, tout comme les Anglais nous surnomment les "mangeurs de grenouilles", les Grecs se moquaient des Romains, qu'ils appelaient les "mangeurs de bouillies".

Pain retrouvé à Pompéi.
On ne commence à faire du pain à Rome qu'au II ème siècle après J.C, lorsque des boulangers (pistores) grecs s'y installent. Encore faut-il nuancer, le terme "panis" ne faisant pas la distinction entre notre pain et les préparations sous forme de galettes. Les Romains, qui jusqu'à lors consommaient des pains non levés, empruntent aux Grecs l'utilisation du moût des vendanges pour fabriquer de la levure, et améliorent la technique du pétrissage. A Pompéi, les pains entiers retrouvés montrent qu'ils pouvaient être entaillés en rayons, afin de faciliter l'homogénéité de la cuisson (encore une astuce de nos amis grecs !).





Bas-relief montrant un moulin en fonctionnement. (Ostie)


Four de Pompéi. (Photo Wikipedia)
Les familles les plus riches possédaient des fours privés où faire cuire leur pain, tandis que les autres se rendaient chez le boulanger pour acheter du pain débité en quarts (panis quadratus). On compte ainsi 329 boulangeries à Rome pendant le règne d'Auguste et, plus tard,  un collège de meuniers-boulangers sera créé, sous Trajan. Le mot latin  "pistor" signifiait à l'origine "celui qui pile le grain", avant de prendre le sens de "boulanger". Chaque boulangerie possédait son four et sa propre meule, destinée à produire la farine (farina - le mot provient d’une variété de blé, le far.) Le blé moulu donnait différentes qualités de farine, plus ou moins fines. Selon Pline l'Ancien, les Gaulois ajoutaient à la pâte l'écume de boissons céréalières, et leur pain, plus léger, était très apprécié.

Femme devant son four.

                                        Dans l'antiquité romaine, il existait plusieurs sortes de pains, selon les céréales utilisées et la finesse de la préparation. On produisait du pain à partir de blé, de millet (il était souvent consommé chaud), d'amidon (c'est le "pain d'Alexandrie", sans doute une sorte de pain de mie), de riz, etc. Mais la plupart du temps, on utilisait du levain, mélange d'eau et de farine. En matière de pain, comme dans bien d'autres domaines, il y a à Rome une distinction très nette selon les classes sociales : l'ouvrier ne se nourrit pas du même pain que le Sénateur. Il en existe donc de plusieurs sortes. Citons entre autres :

  • le pain des esclaves, à base d'orge
  • le "pain des plébéiens" (panis plebeius), préparé à partir d'un mélange de son et de farine à peine tamisée
  • le "pain de second choix", légèrement raffiné
  • et le "pain blanc", plus cher et réservé aux plus riches - pétri en forme d'oiseau, d'étoile, de lyre pour les grandes occasions.
Quant au soldat en campagne, il transporte ses propres rations de froment, qu'il moule pour en faire un pain grossier (panis militaris).

Four du fort romain de Saalsburg. (Photo Stefan Plogmann)

                                        On consomme du pain tous les jours, à tous les repas. S'il constitue, avec la bouillie de céréales, l'essentiel de la nourriture pour les plus pauvres,  les riches Romains l'agrémentent de miel, de fromage, de fruits, d’œufs, etc. Le pain, c'est donc la base alimentaire des Romains. Et par conséquent, puisqu'il rend vital l'approvisionnement en blé, c'est aussi bien plus que cela... Au préalable, il faut savoir qu'en Italie, on ne cultivait pas une quantité de blé suffisante pour couvrir les besoins des Romains. Pour gérer les réserves et subvenir aux besoins de l'Urbs, l'approvisionnement annuel (annona) avait été placé sous contrôle public dès le III ème siècle avant J.C., sous l'égide du préfet de l'annone. Très vite, il devint la source de conflits politiques quasi permanents : grâce aux populares, on accorda des subventions aux citadins les plus nécessiteux, pour finir par leur distribuer gratuitement le blé. Ce qui permettait de tenir tout ce petit monde tranquille... et faisait de l'annone l'une des clés du pouvoir.

Fresque de Pompéi, représentant un boulanger, ou une distribution gratuite de pain.

                                        Mais toute médaille a son revers : si contrôler l'approvisionnement en blé vous permettait d’asseoir votre pouvoir, c'était également un levier sur lequel pouvaient jouer vos ennemis. Ainsi, en 36 avant J.C., un opposant à Auguste bloqua les convois de blé. Le mécontentement de la foule fut tel que des émeutes éclatèrent, forçant le Prince à lancer une attaque navale pour permettre au précieux chargement d'arriver à Rome. Quel que soit le jugement que l'on porte sur Auguste, force est de reconnaître que l'homme était d'une redoutable intelligence : ayant compris que celui qui contrôlait le blé contrôlait Rome, il avait bien retenu la leçon. Lorsqu'il réorganisa l'Empire, il créa pour l’Égypte, principal producteur de blé, un statut à part. Indépendante des autres provinces romaines, elle devint une région directement rattachée à l'Empereur et gérée en son nom par un préfet. De cette manière, il la gardait à sa main et évitait qu'un gouverneur ou un proconsul ne puisse s'arroger la production égyptienne et faire pression sur Rome. C'est aussi la raison pour laquelle il faudrait désormais une autorisation spéciale de l’Empereur pour fouler le sol égyptien. (Ce qui vaudra à Germanicus les ennuis que l'on sait, sous le règne de Tibère - lien.)



                                         En guise de conclusion, je vous propose une recette de pain Romain à faire à la maison, dénichée sur le site du Collège Le Grand Beauregard (La Chapelle Sur Erdre).


Pain romain - recette d' Urs Berger, maître boulanger à Augst.

Ingrédients :

750 g de farine romaine (gruau), moulue par une meule romaine en pierre
          (Ou pas - remarque personnelle...),
500 g d'eau (tiède),
1 petite cuiller de sel (10 g),
1 petite cuiller de miel ou de sucre (10g),
20 g de levain

Préparation :

Malaxer ces ingrédients pour obtenir une pâte aussi molle que possible.
Tenir au chaud et laisser reposer. Bien pétrir.
Former deux miches rondes et laisser reposer à nouveau (sur la plaque du four
ou dans des moules).
Dans le four préchauffé, cuire 40 minutes à 220° C.

On peut remplacer une partie du gruau par de la farine bise, si l'on désire un pain plus
léger.


 Si vous avez l'occasion de la tester, tenez-moi au courant...  Et bon appétit !

Mosaïque représentant un panier contenant du pain.

jeudi 7 juin 2012

Jeux en ligne : addendum.

Pépé vous présente quelques jeux...

                                        Après avoir posté mon dernier billet, dans lequel je vous proposais quelques liens vers des jeux en ligne en rapport avec l'antiquité romaine, je suis tombée par hasard sur le site officiel d'Astérix. Or, ce site comporte une rubrique "jeux", particulièrement réussie... Et pour y avoir perdu, ces derniers jours, un temps considérable, je vous encourage à cliquer sur le lien.

 Vous y trouverez différents petits jeux présentés par Pépé, le personnage de "Astérix en Hispanie". Avec entre autres : un jeu de pendu ("Le Cauchemar d'Assurancetourix"), des mots codés ("Les mots codés de Pépé"), un puzzle ("Ce taquin d'Obélix"), un jeu de différences ("Les 7 erreurs de Pépé"), un jeu de coloriage ("La Palette d'Astérix"), un jeu de l'oie avec des questions sur la BD ("Le Tour de Gaule")... Mes deux préférés : un jeu de stratégie, où vous devez sélectionner une équipe composées des différents personnages s'étant opposés à Rome au fil des albums, afin de battre celle de Jules César lors d'un match de foot ("La Coupe Des Champions" - original et très sympa !) et le "Géo-Quiz d'Astérix", où il s'agit de placer sur une carte les villes de l'empire romain.
       


                                        J'avais déjà cité un bon nombre de liens, mais j'ai décidé de poster quelques lignes pour rajouter celui-ci, qui m'a particulièrement amusée. Tant que vous y êtes, n'hésitez pas à farfouiller sur le site et à parcourir les autres rubriques : c'est un régal, et pas seulement pour les fans des irréductibles Gaulois ! Je vous promets que vous allez vous régaler, par Toutatis ! 



Lien : http://www.asterix.com/
Les illustrations sont issues des pages du site. 

mardi 5 juin 2012

Du pain et des jeux : commençons par les jeux !

                                        Je prends beaucoup de plaisir à tenir ce blog. Dans le cas contraire, je ne le ferais pas : je ne suis pas maso à ce point ! Cela étant, je dois bien avouer que ce n'est pas toujours facile, et ce pour au moins deux raisons. La première, c'est que je ne suis pas une experte. Je l'ai dit dans mon billet inaugural, lorsque je me suis présentée à vous : ma seule légitimité, c'est ma passion pour l'antiquité romaine. J'ai donc accumulé, au fil de mes lectures, de mes visites touristiques et par toutes sortes de moyens aussi variés qu'originaux, des connaissances que je tente de restituer ici, de façon suffisamment rigoureuse pour donner un minimum de crédibilité à mes écrits. Je pense que, jusqu'ici, je ne m'en suis pas trop mal sortie. Bien sûr, il me faut parfois effectuer quelques recherches pour compléter ce que je sais déjà et les informations en ma possession. Les spécialistes, par conséquent, n'apprendront sans doute rien en parcourant ces pages, et je m'adresse donc à ceux qui, comme moi, ont déjà de bonnes bases et cherchent à étoffer leur savoir, et à ceux qui n'y connaissent pas grand-chose. D'où le deuxième écueil : éviter de pontifier, d'assommer le lecteur avec des litanies de termes, de dates, d'explications, etc. Bref, je dois vous donner envie de vous plonger dans ma prose. Pour dire les choses encore plus clairement, mon but est que, arrivés au bout de mon article sur le cursus honorum, vous vous disiez "c'est intéressant", et pas "c'est vachement compliqué, et en plus c'est chiant !" Là encore, j'espère y être parvenue...

                                           Mais, dans le doute, je vous propose aujourd'hui de vous détendre un peu, et de laisser de côté les exposés sur la société romaine, sur le Sénat, les guerres de conquête, les biographies et tous ces trucs parfois un peu rébarbatifs. Aujourd'hui, nous allons jouer ! Rassurez-vous : obsessionnelle comme je le suis, il y a quand même un rapport avec Rome. Je suis monomaniaque : lorsque je ne suis pas en train de lire un article, une revue ou un livre sur l'antiquité romaine, de regarder un documentaire, un reportage, un film ou une série sur l'antiquité romaine, de visiter un musée, un site archéologique ou une exposition sur l'antiquité romaine, ou de consulter des sites internet ou de télécharger des podcasts sur l'antiquité romaine, il peut arriver que je joue en ligne à des jeux... sur l'antiquité romaine ! Monomaniaque, je vous dis...

                                          L'avantage, c'est que j'ai fini par dénicher une large palette de jeux de toutes sortes : puzzles, jeu de l'oie, de combats, de stratégie, tests, quizzes, etc. Je vous offre donc, à défaut de pain, des jeux ! Voici une petite sélection de mes préférés, classés par catégories. Tous se déroulent en ligne, sans aucun téléchargement (j'évite d'encombrer la mémoire de vos ordinateurs !). Certains sont en Français, d'autres en Anglais, en Espagnol ou même en Latin : parfois, la barrière de la langue n'est pas infranchissable, et vous vous en sortirez très bien sans entraver un seul mot. D'autres sites, par contre, sont réservés aux bilingues : c'est le cas par exemple des tests et des quizzes. Dans tous les cas, j'ai pris soin d'afficher en bleu ceux qui nécessitent d'être bilingue. Autrement, le jeu est en Français, ou accessible sans maîtrise d'une langue étrangère. Vous verrez également qu'une partie de ces jeux vous permettront de vous instruire tout en vous amusant, tandis que d'autres sont de bêtes et purs divertissements.

                                          Comme d'habitude, n'hésitez pas à laisser un commentaire ou à m'envoyer un mail - surtout si vous connaissez d'autres sites ou jeux du même genre. Et en attendant, cliquez et éclatez-vous !

Quizzes et jeux de connaissance.

Des quizzes tout bêtes (mais parfois coton !), des variantes de jeux de l'oie... et même un étonnant "Qui veut gagner des Millions ?" sur Rome, en Latin ! 


Quiz sur Rome (en Anglais) - Répondez à une série de questions, et catapultez le prof :  lien
Quiz sur l'Empire et la république : lien
Quiz sur l'empire romain : lien
Quiz sur les empereurs romains : lien



Qui veut gagner des millions ? ... en latin ! - le célèbre jeu, avec des questions sur l'antiquité : lien


De Roma a Gades (en Espagnol) - un jeu de l'oie qui vous conduira de Rome à la ville espagnole de Gades : lien






 

Petits jeux tous simples.


Des memory, puzzles, etc. Quelques minutes suffisent.

Mémory des grands personnages de Rome : lien
Mémory, avec l' équipement du soldat romain : lien
Puzzle du Colisée (en Anglais) - tentez de battre les meilleurs scores : lien

Course de chars (en Anglais) - pour jouer à deux : lien



Jeux d'habillage.

Parce que j'adorais ça quand j'étais petite !

Habillez un soldat romain (en Anglais) : lien

Habillez un gladiateur (en Anglais) - choisissez les bons équipements pour chaque combattant, et descendez dans l'arène : lien

Habillez une romaine (en Anglais) : lien



Jeux de simulation.

Construisez votre propre ville romaine - Placez vos monuments de façon judicieuse : lien

Du sesterce à l'euro - Accompagnez l'un des 2 personnages pour mieux comprendre la valeur des sesterces : lien


Death in Rome (en Anglais) - Examinez les indices, interrogez les témoins, et résolvez le mystère de la mort d'un citoyen romain : lien

A travers Londinium (en Anglais) - Traversez Londinium et récoltez des objets pour accomplir votre mission : lien





Tests.

 Il existe une multitude de psycho-tests : vous en trouverez facilement grâce à Google. Les meilleurs sont en Anglais, en voici quelques-uns - certains sérieux, d'autres plus amusants. Comparez vos résultats, histoire de voir si les conclusions sont les mêmes...

Which roman emperor are you ? (tous en Anglais) :
lien 1  / lien 2 / lien 3 / lien 4

 

Jeux de Gladiateurs.


Pour la plupart, des jeux de combats, de qualité variable. En Anglais, mais sans que cela soit gênant pour les réfractaires à la langue de Shakespeare.


Les 13 épreuves du gladiateur (en Anglais) - Jeu de plateformes basique : lien.

Gladiator (en Anglais) - Jeu de combat : lien


Swords and sandals (en Anglais) - Jeu de combat où vous devez armer votre gladiateur et gérer son état physique. Très sympa : lien



Sands of the coliseum (en Anglais) - Jeu de combat, où vous pouvez incarner une gladiatrice. Assez rare pour être signalé : lien


Gabriel le gladiateur (en Anglais)  - Mon coup de cœur ! Aidez un adorable petit gladiateur à traverser différents tableaux : lien







Jeux de stratégie et de combats.

Glissez-vous dans la peau d'un soldat, d'un général romain, voire même d'un empereur ou de Jules César lui-même !

Cradle of Rome (en Anglais) - un mélange de jeu de stratégie et de bejelewed (entre Tétris et le puzzle). Au début, assez barbant... mais pourtant très vite addictif : lien 


Mad Arrow (en Anglais) - Il s'agit de protéger votre butin des attaques ennemies, en plaçant judicieusement vos soldats : lien



Hannibal Ante Portas (en Anglais) - Protégez Rome de l'attaque des terribles guerriers Huns : lien 

Viva Caligula (en Anglais) - Second coup de cœur ! Vous incarnez Caligula, et vous devez massacrer le plus de personnages possibles. Pas très subtil, mais défoulatoire ! lien

Roads of rome (en Anglais) - Construisez vos routes et vos ponts jusqu'à l'Urbs : lien
 
Hide Caesar (en Anglais) - Petit jeu amusant où vous devez cacher une pièce à l'aide de divers stratagèmes : lien
 









Voilà :  si, avec tout ça, vous ne trouvez pas votre bonheur, c'est à désespérer ! Pour les jeux, c'est réglé : y a plus qu'à trouver le pain...